pagne, avec les figures allegoriques de Florence et de Sienne; en
1592, une Histoire des Doara, en six sujets; de 1593 a 1597, un
ornement d'autel complet, comprenant chape, chasuble, tunique et
dalmatique, surlequelest retracee toute I'iconographie religieuse de
TAncien et du Nouveau Testament. Offert au pape Clement VIII ,
cet ornement fait encore par tie du tresor pontifical. En meme temps
les tapissiers de Florence terminent trois pieces de YHistoire de
NioM (1594), douze espaliers de YHistoire d' Alexandre (1595),
commandes pour Venise; une Histoire du saint Sacrement, en
quatre sujets (1596-98); une Histoire du Christ (1599-1600).
Six panneaux de cette suite, exposes dans la galerie des Arazzi, a
Florence, donnentla plus triste idee de la degenerescence du goiit
italien. Combien sont superieures les oeuvres de la meme epoque
sorties des fabriques flamandes ou franyaises ! Les dernieres ann^s
du regne de Ferdinand I^r produisent encore une Histoire de Sci-
pion, en sept pieces (1604), et un Portement de croix (1605).
Bientot un tapissier frangais, un Parisien, fera un energique effort
pour rendre un peu de vie a Tatelier de Florence. Tentative infruc-
tueuse! Les essais, ayant pour but de multiplier les ateliers de
haute Uce sur divers points de Tltalie, n'aboutiront qu'a demon-
trer Timpuissance de ce pays a faire vivre cette Industrie avec ses
propres ressources et sans le secours des etrangers.
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GHAPITRE SIXIEME
LA TAPISSERIE DEPUIS LE COMMENCEMENT DU XVI1« SINGLE
JUSQU'A LA CREATION DE LA MANUFACTURE DES G6BELINS
SOUS LOUIS XIV
(1600-1662)
Apres la periode de decadence profonde a laquelle nous venons
d'assister, les gouvernements des differents Etats de I'Europe ont
recours a tons les moyens pour guerir les plaies de la guerre , pour
favoriser la renaissance des industries expirantes. Les Pays-Bas
tiennent toujours le premier rang par leur activite industrielle ; mais
leurs voisins font d'incessants eiTorts pour leur disputer cette su-
prematie. D*un cote TAngleterre, de Tautre la France, cherchent
a profiter des fautes commises par les gouverneurs intolerants
de cette laborieuse contree. Les bannis vont porter a Tetran-
ger les secrets de leur fabrication. C'est en vain qu'on s'efforce
d'arreter Temigration en multipliant les ordonnances, en aggra-
vant les penalites edictees contre les fugitifs. Toutes les mesures
restent impuissantes. On a dit avec raison que les persecutions re-
ligieuses du due d'Albe et de ses successeurs avaient cause plus
de prejudice aux Pays-Bas que la revocation de Tedit de Nantes
a la France. Henri IV sut habilement proliter des fautes de la mo-
narchie espagnole. S'il vecut trop peu pour voir le resultat de ses
sages mesures , ce n'en est pas moins a lui que Ja France doit le
grand essor industriel qu'elle prend au xviP siecle. C'est Henri IV
qui a reuni tous les elements de la gloire de Louis XIV, qui a
rendu possible I'oeuvre feconde de Colbert. Mais , avant d'examiner
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266 HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
par le detail tout ce qu'il a fait pour enlever aux provinces fla-
mandes une des sources de leur fortune au benefice de la France,
il convient d'exposer la situation de Tindustrie de la tapisserie chez
nos voisins pendant la premiere moitie du xvii^ siecle.
PAYS-BAS ESPAGNOLS
Un fait considerable, plein de graves consequences, domine This-
toire des ateliers flamands au commencement du xviP siecle. Attires
par les nombreux avantages qui leur sont offerts , les plus habiles
ouvriers partent pour les pays etrangers. Marc de Comans et
Frangois de la Planche viennent se fixer a Paris d6s 1602, pour
y fonder la premiere manufacture des Gobelins. Vincent van Quic-
kelberghe, apres quelques annees de sejour a Arras, s'etablit defini-
tivement a Lille. Daniel Pepersack est appele par le due de Man tone
pour installer Tatelier de Charleville. En 1603, Jean van der Biest
prend la direction de la manufacture de Munich, qui compte un
moment trente-sept ouvriers. Dix ans plus tard, en 1612, Herman
Labbe est plac^ a la tete des tapissiers attires a Nancy par le due
de Lorraine. Francis Crane cree Tatelier anglais de Mortlake;
d'autres transfuges enfin se rendent en Danemark et en Autriche.
Bruxelles. — Une pareille emigration devait causer un tort
enorme a Tindustrie flamande. Les metiers bruxellois, prives de
leurs plus habiles artisans, se trouvaient places dans une situation
desastreuse. L'archiduc Albert fit d'energiques efforts pour arreter
le mal. Parmi les mesures prises aussitot apres son arriv^e, une des
plus efficaces fut les exemptions de charges et d'impots. C'etait un
des appats qu'on faisait toujours luire aux yeux des tapissiers pour
les decider a abandonner leur terre natale. Un arret du conseil prive,
en date du 18 septembre 1606, exemptait les tapissiers de la garde
bourgeoise, charge tres lourde pour les habitants de Bruxelles. En
mSme temps , Timpot sur la biere etait reduit en leur faveur, avan-
tage auquel les Flamands se montraient toujours fort sensibles.
L'archiduc ne s'en tint pas la. Par de nombreuses acquisitions,
il fournit du travail aux ateliers de la capitale. II leur accordait en
meme temps des subventions qui s'eleverent, en une seule annee,
a la somme de 13,000 florins.
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PREMIERE MOITIE DU XVIF SIECLE 267
Encouragee par Texemple des gouverneurs des Pays-Bas, la cor-
poration ne reste pas inactive. EUe contracte de son cote un em-
pruntde 50,000 florins, dont le domaine prenait les interets a sa
charge. Sur cette somme devaient 6tre prelevees les avances four-
nies aux chefs d'atelier momentan^ment dans Tembarras.
L'eclat que Rubens et sa brillante ecole repandait a cette epoque
sur la peinture flamande eut la plus heureuse influence sur la rege-
neration de Tindustrie nationale. On cite un certain nombre de car-
tons du grand maitre anversois, executes specialement pour les
tapissiers. Parmi les plus connus figurent ceux de VHistoire de
DScius, conserves dans la galerie Lichtenstein, a Vienne. Les tapis-
series de r/fisfoire de D^citis, egalement conservees a Vienne, por-
I
Marque de GeubeU,
4« pidoe de THittoire dt DiciuM,
exdontte avec Jean Itaes.
tent la signature de Jean Raes et de Geubels. On doit aussi au
prince de Tecole anversoise une Histoire d'Achille, une Histoire
d'Ulysse, le Triomphe de V^glise, deux fois remis sur le metier; une
de ces deux dernieres suites ne comptaitpas moins de quinze pieces.
Le maitre livra enfm a Raphael de la Planche, apres son installation
au faubourg Saint-Germain, a Paris, les cartons d'une Histoire de
Constantin, dont il eut beaucoup de peine a obtenir le payement.
Nous en reparlerons quand il sera question des ateliers parisiens.
Apres la mort de Rubens, plusieurs tentures de prix figuraient
a son inventaire; elles representaient les Histoires de Camille, de
Cleopdtre, de Troie, de Diane, des Amazones, de Lucrece. On a sup-
pose, avec beaucoup de vraisemblance, que I'illustre peintre pourrait
bien avoir pris quelque part dans Texecution de plusieurs de ces
suites. Elles rentrent, en efiet, dans Tordre des sujets familiers a
Rubens.
Ses eleves les plus fameux contribuerent largement aussi a rendre
aux metiers flamands une partie de leur vieille reputation et de leur
ancien prestige. Parmi les peintres qui travaillerent aux cartons dans
la premiere moiti^ du xvip siecle, nous trouvons les noms de Jacques
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268 HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
Jordaens, Jean Bol, Josse de Mom per, Denis et Louis van Alsloot.
Louis de Vaddere est Tauteur d'une Histoire de Diane, payee plus de
1,000 florins. Antoine Sallaerts avail dessine les sujets de plus de
vingt-quatre tentures completes. Le Ills de Carol van Mander avait
retrace les hauls fails d' Alexandre sur une suite dont on trouvera
ici un sujet proyenant des collections de San -Donate. Lancelot
Lefebvre et le peintre David Leyniers, appartenant a une famille
de tisserands bien connue , donnerent aussi des modeles aux haute-
liceurs. Ces carlons, on le voit par Texemple de Louis de Vaddere,
atteif^naient parfois des prix fort eleves. Ce fut meme une des causes
de la mine des ateliers de Bruxelles et des autres manufactures fla-
mandes. La cherte des bons modeles reste encore aujourd'hui un
des obslacles les plus serieux au developpement de la tapisserie.
Un rapport sur les manufactures flamandes, presente vers 4630
au cardinal Barberini, vante surtout les artisans de Bruxelles et
d'Anvers. N'y a-t-il pas erreur ou confusion pour la seconde de
ces villes? II est certain, en tout cas, que Bruxelles, capitale des
Pays-Bas, siege du gouvernement, etait dans de bien meilleures con-
ditions qu'aucune autre cite pour encourager les industries de luxe.
Le metier comi)tait encore cent trois maitres en 1625. Les plus
renommes elaient Jean Raes, les van den Hecke, la veuve Geubels,
Bernard van Brustom. Les signatures de ces fabricants sent gene-
ralement inscrites sur les tentures sorties de leurs ateliers.
A la tele des teinturiers se place Daniel Leyniers; sa reputation
eclipsait celle de tons ses concurrents. M. Wauters a cherche a
etablir quel(jue ordre dans la gi^nealogie de celle nombreuse famille,
dont les representants ont joue un role considerable dans Thistoire
de la tapisserie bruxelloise. Les descendants de Daniel Leyniers figu-
rent encore, au xviii^ siecle, parmi les teinturiers les plus vantes.
Les princi[)aux chefs d'atelier meritent de nous arr^ter quelques
instants. Leur nom se rencontre souvent sur des pieces fort re-
pandues dans le commerce courant.
Pierre van den Guchle fournit, en 1601, une tapisserie pour le
jube de Sainte-Gudule, au prix de 18 i florins du Rhin.
Gerard Bernaerts hvre, de 1608 a 1640, plusieurs tentures aux
gouverneurs des Pays-Bas, notamment une suite represenlant des
Boscaiyes et fi(jures poetiques.
Catherine van den Eynde, veuve de Jacques Geubels, compte au
nombre des Uipissiers les plus favorises par Tarchiduc Altert. En
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PREMIERE MOITIE DU XVIP SIEGLE 271
huit ans, de 1605 a 1013, elle ne vend pas moins de trente pieces,
dont voici renumeration sommaire : Histoire de Josu4y treize pieces,
paytes 7,315 livres, ou 19 sous Taune carree; Histoire de Troie,
sept pieces, du prix de 3,330 livres, a raison de 18 sous Taune;
Histoire de CUopdtre, huit pieces, 4,147 livres, a 12 sous Taune;
eufin V Histoire de Diane, en huit pieces, et une Histoire de
Noif en quatre pieces, conservees Tune et Tautre a Madrid. La
veuve Geubels mourut avant 1629.
Guillaume Toens fournit aux archiducs, en 1007, une Histoire de
Constantin; les huit pieces furent payees 4,150 livres, sur le pied
de 18 sous Taune. C'est le prix moyen de Tepoque.
Martin Reymbouts travaille a Bruxelles jusqu'en 1015. 11 a pour
successeur son fils Francois, morten 1048. A cet atelier les gou-
verneurs des Pays - Bas achetent plusieurs suites importantes ;
parmi elles figurent le Triomphe de P^trarque, V Histoire de Troie.
V Histoire de Pomone et les Batailles de I'archiduc Albert, dont on
a parle ci-dessus.
Jean Raes dirigeait un des premiers ateliers bruxellois; aussi oc-
cupe-t-il d'importantes fonctions municipales de 1017 a 1034. Son
nom se Ut au bas d'une tenture des Actes des apdtres, d'apres
Raphael, d'une contenance de huit cent vingt-neuf aunes, payee
13,272 livres, et donnee aux carmelites de Bruxelles en 1020.
Parmi les nombreuses productions de ce tapissier, nous signale-
rons le Sacre de Charlemagne, de la collection de Berwick et
d'Albe; les Travaux de Cupidon, en sept pieces; V Histoire de
TMsie, en dix pieces; VHistoire d'Absalon et Y Histoire de D^-
cius, d'apres Rubens, en huit pieces. Plusieurs de ces suites appar-
tiennent encore a la couronne d'Espagne.
Peut-etre la Vie de Dicius doit-elle etre attribuee a Jean Raes
le jeune, qui travaillait de 1028 a 1037, et qui a signe aussi un
Cavalier de la collection de Berwick et d'Albe.
Nous avons donne plus haut (p. 171 ) le fac-simile de plusieurs
marques de Jean Raes, relevees sur dilTerents panneaux d'une ten-
ture des Predications des apotres, de la collection de Madrid.
Frangois Raes, fils du premier Jean, a mis son nom sur douzc
pieces de VHistoire d* Alexandre le Grand, peut-etre celles dontle
modele est du au fils de Thistorien Caret van Mander.
Le nom de Jean Raet ou Raedt, avec la date 1029, se trouvait au bas
(Kune foret peuplee d*animaux de la collection de Berwick et d'Albe.
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272 HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
Chretien van Brustom, parent de
Bernard, travaillait de 1629 a 4657.
La famille van den Hecke compte,
ail xviie siecle, de nombreux re-
presentanls. D'abord Jean, doyen
du metier au moment de sa mort,
en 1633; ensuite Frangois, nomme
doyen en 1640, puis tapissier de la
cour en 1660. On connait de lui
une Histoire de Samson, en quatre
pieces, et les sept panneaux du
Triomphe de la religion, de la col-
lection de Berwick, peut-etre d'apres
Rubens.
Jean - Francois van den Hecke, fils
de Frangois, possedait, vers 1676,
un des ateliers les plus occupes du
pays. Vingt-un metiers et soixante-
trois tapissiei's etaient places sous
sa direction. II a sign^ des initiales
I. F. V. H. plusieurs pieces du
Triomphe de V£glise et des copies
de V Histoire d* Alexandre, de Charles
Le Brun , dont un exemplaire se voit
chez M. Ed. Andre.
Antoine van den Hecke meurt en
1689, avant son frere Jean -Frangois.
La famille des Leyniers ne le cede
pas, en nombre et en importance, a
celle dont on vient de parler. Voici la
liste des principaux membres de cette
dynastie : Gaspard, un des tapissiers
les plus occupes de son temps, frere
du teinturier Daniel Leyniers, dont il
a ete parle plus haut ; il meurt le
26 octobre 1649, age de soixante-
treize ans. Son fils Everard, ne en
1597, prolonge sa carriere jusqu'a
Details de la bordure plus dc quatre-\inffts aus et cesse
de la tapisserie de Carel van Mander x j <^
reprodtute i^ la imge it»
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PREMIERE MOITIE DU XVir SifilCLE 275
de vivre le 29 Janvier 1680 « accable de gloire », suivant Texpression
d'un contemporain. Ges dates ne sont pas indifferentes pour Taltri-
bution des pieces, fort nombreuses, signees seulement d'initiales.
fiverard Leyniers serait Tauteur de la Conversion de saint Paul,
qui fait partie des Actes des apotres; d'une Histoire d'Annibal el
de Scipion, commandee par le prince de Vaudemont, et de six
panneaux representant des Chasses, exposes recemment a Paris
par M. Delpech-Buytet. Dans un concours ouvert, vers 1650,
entre les meilleurs fabricants du pays, Everard Temporta sur tons
ses rivaux.
II eut trois fils : Jean, Daniel et Gilles, qui suivirent tons la
carriere de leur pere. L'aine, Jean, dont la reputation eclipsa celle
de Daniel et de Gilles, tissa pour Monsieur, frere de Louis XIV,
VHistoire de MiUagre et d*Atalante, d'apres Le Brun. On lui doit
encore les Histoires de Moise et de CMopdlrey en six pieces; une
Histoire de Clovis, en huit pieces, exposees a Thdtel de ville de
Bruxelles; enfin un Paradis tetTestre, en huit tableaux, qu'il dut
plusieurs fois remettre sur le metier. Jean Leyniers mourut en 1686,
apr6s avoir eu, de deux manages successifs, seize enfants.
Pour ne pas separer les diff^rents membres de cette nombreuse
dynastie, signalons encore Gaspard Leyniers, a qui son habilete
dans la coloration des laines valut, en 1672, le titre de teinturier du
gouvemeur des Pays-Bas, avec le monopole exclusif de la teinture
des laines mises en oeuvre dans les ateliers de Bruxelles.
Conrad et Gaspard van der Bruggen travaillaient, le premier
de 1637 a 1657, le second de 1642 a 1675. Celui-ci est sans doute
Tauteur des trois pieces de la Guerre de Troie, signees I. V. B.,
appartenant a M. Braquenie.
Henri Rydams, entre dans la carrifere en 1629, eut pour sue-
cesseur, en 1671, son fils, qui avait re^u le meme prenom que
lui. II a signe, avec un de ses coUegues, huit pieces armoriees
sur des sujets de T^niers, qui se trouvent chez le due de Medina-
Coeli, a Madrid. Les descendants des Rydams, allies aux Leyniers,
conservSrent leur atelier jusqu'au milieu du xviii^ siecle. Certaines
tapisseries portent les noms rdunis de ces deux families celebres.
Un certain Gilles van Habbeke depensa, de 1635 a 1645, plus
de 100,000 florins a fabriquer des tapisseries. II ^tait complfete-
ment mine quand il quitta Bruxelles, en 1659.
Jean de Clerck travaillait, en 1636, pour les jesuites de Rome.
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276 HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
Une AlUgorie de la Victoire, signee J. Leclerc, faisait partie de
la collection de Berwick. Jerome de Clerck, fils de Jean, vivait
encore en 1703. II a souvent travaill^ en collaboration avec
le tapissier designe sous le nom de A. Castro.
On attribue a Jacques van Zeune une Histoire de Jacob, dont
deux pieces, signees J. V. Z., appartiennent a M. Braquenie.
Erasme de Pannemaker etait le descendant de la celebre dynastie
de ce nom, qui avail conquis une si brillante reputation au
xvic siecle. II executaune Histoire de Cyrus, en six pieces, pour
un negociant anversois. Les Pannemaker fonderent plusieurs ate-
liers dans la Flandre et les pays environnants.
Daniel de Pannemaker emigrait a Charleville vers 1625. Plus
tard FrauQois, frere d'Erasme, et son neveu Andre s'etablissaient a
Lille et y montaient un atelier dont leur famille conserva la direc-
tion pendant plusieurs generations.
Gitons encore, parmi les chefs de la tapisserie bruxelloise, la
famille des Leefdale. Jean van Leefdale, inscrit parmi les maitres
a la place de Jean Baet, tombe en faillite en 1G44, est peut-etre
Tauteur d'une Histoire de Scipion, signee I. V. L. Son fils Guil-
laume travaillait entre 1656 et 1684; il a mis son nom a une
tenture d'Antoine et CUopdtre, conserv^e a Madrid, a plusieurs
pieces de la Vie de saint Paul, et a une suite de tapisseries armo-
riees appartenant a M. Michel Ephrussi.
Baudouin van Beveren (1645-1651) et Jacques Courdys (1645-
1680) m^ritent d'etre nommes, ne fiit-ce que pour avoir copie
des cartons de Jordaens.
Nous pourrions allonger encore cette nomenclature, car c'est
malheureusement sur Tepoque de decadence qu'on possede le plus
de renseignements. Les details donnes ci-dessus font du moins
connaitre les maitres les plus fameux de Tindustrie bruxelloise. II
etait impossible, on le congoit, de scinder en deux parties cette
liste pour en arreter la premiere periode a Tan nee qui vit la creation
de la manufacture des Gobelins.
Apres le gouvernement d'Albert et d*Isabelle, qui avaient tente
de s^rieux efforts et fait de grands sacrifices pour soutenir la fabri-
cation de la tapisserie, la decadence reprit de plus belle. Nombre
de maitres tomberent en faillite. En vain la corporation s'imposa-
t-elle de grands sacrifices pour conjurer une mine imminente :
le regne de la tapisserie ^tait passe. La mode avait substitue aux
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PREMlfeRE MOITIE DU XVIP SlfeCLE 277
anciens tissus histories les cuirs peints et dores qui se fabriquaient
surtout a Malines. Le succes de cette nouvelle invention fit un
tort immense aux metiers de Bruxelles.
Parmi les mesures tentees pour resister au courant et aux nou-
veaux caprices du goiit, ii convient de rappeler Touverture, a
Bruxelles meme, d'une galerie d'exposition permanente ou pant,
a Fimitation de celle qui existait depuis longtemps a Anvers. Les
fabricants trouvaient a cette innovation une serieuse economie de
temps et d'argent. lis s'exemptaient des droits per^us jusque-la par
les Anversois, et frappaient eux-m6mes d'un leger impot les fabri-
cants d'Audenarde ou des autres ateliers qui avaient recours a la
publicite de leur halle.
Le directeur de Tetablissement faisait en outre des avances sur
les marchandises deposees. II pretait jusqu'a concurrence des deux
tiers de leur valeur.
La mesure etait excellente; mais elle venait trop tard, et la
decadence provenait de causes multiples et trop graves pour 6tre
arretee. Tons ces palliatifs reculerent peut-etre la crise finale;
mais, au milieu du xvii^ siecle, la grande Industrie bruxelloise ne
pouvait plus 6tre sauvee.
Si nous examinons rapidement Tetat des ateliers de tapisserie
dans le reste des Pays-Bas durant la meme periode, nous assiste-
rons partout au m^me spectacle. Dans tons les centres importants,
la lutte pour Texistence s'organise avec Tappui du gouvernement et
des municipalites ; mais tons les expedients mis en oeuvre ne font
que prolonger Tagonie des metiers, frappes a mort par les maux
inlerieurs et la concurrence etrangSre.
Audenarde. — Les tapissiers d'Audenarde, comme ceux de
Bruxelles, emigrent en foule a Tetranger. En vain prend-on des
mesures sev^res; un certain Bernard de Pourck est arr^te en 1604
sous rinculpation d'avoir embauche des tapissiers pour la France.
Deux ans apr6s, le magistrat prend une mesure plus radicale :
une ordonnance du !«•* juillet 1606 menace de la confiscation de
leurs biens tons les tapissiers qui s'expatrieraient sans antorisation,
et enjoint a tous les absents de revenir dans Tannee. Vain expedient!
I'emigration continue de plus belle.
Marc de Comans et Francois de la Planche, qui dirigerent a
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278 HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
Paris la premiere manufacture des Gobelins, venaient-ils d'Aude-
narde? On Tignore ; mais trois maitres de cette ville transportent
leurs metiers a Alost en 4611. De nombreux ouvriers du mSme
pays s'en vont travailler dans la manufacture de Mortlake , fondee
en 1619 par Francis Crane. Puis c'est Vincent van Quickelberghe,
qui se rend, avec ses lils Jean et Emmanuel, d'abord a Arras, puis
a Lille. En 1635, Emmanuel rejoint ses compatriotes deja fixes en
Angleterre. On voit meme un tapissier d'Audenarde se refugier a
Bruxelles en 1641 ; il s'appelle Guillaume van der Hante. Le chef
d'atelier le plus habile et le plus celebre de la manufacture des
Gobelins, Jean Jans, etait aussi originaire de cette ville. II quittait
son pays pour la France en 1650, avec plusieurs de ses conci-
toyens.
Les magistrats ne negligeaient rien pour arrfiter cette depopula-
tion , soit en Mictant des peines rigoureuses contre les fugitifs, soit en
fournissant, par de nombreuses acquisitions, du travail aux maitres
besoigneux. Des qu'un nouveau gouverneur venait prendre la
direction des affaires a Audenarde, il recevait en don de joyeux
avenement un des produits les plus remarquables de Tindustrie
locale. Getait generalement une tenture en plusieurs pieces, repre-
sentant des verdures animees d'animaux et de figures. Ce fait se
reproduit frequemment, a des intervalles plus ou moins rappro-
ches, de 1614 a 1694.
Un document contemporain nous a conserve de bien precieux
renseignements sur Timportance du commerce d*Audenarde au
commencement du xviF siecle. Gest le registre d'un maitre, nomme
Georges Ghys, tenant note au jour le jour des pieces sorties de
son atelier, de 1620 a 1622. Nous voyons que Ghys a execute,
pendant cette courte periode, des tentures representant les Histoires
de Pomoney de Zinohie, de D^bora, de Philopalor, d'Elie et de
Camille, les unes en sept ou huit pieces, les autres en cinq pan-
neaux, et cela sans compter les bergeries et les verdures. I^ mSme
manuscrit, conserve aux archives d'Audenarde, nous fait savoir que
Ghys joignait le commerce des tapisseries a leur fabrication. II
achate nombre de tentures a des confreres pour les revendre. Sa
production aurait atteint deux mille sept cents pieces dans le cou-
rant d'une seule annee. Si le fait n'avait ete relev^ par un savant
aussi consciencieux qu'Alexandre Pinchart, nous aurions quelque
peine a Tadmettre. Peut-6tre ce chiffre enorme comprend-il
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PREMIERE MOITIE DU XVIP SIECLE 279
toutes les tapisseries dont notre chef d'atelier faisait commerce,
m6me celles qu'il achetait de ses confreres.
En 1654, Audenarde possede encore un millier de tapissiers;
leur nombre va toujours en diminuant a partir de cette date. Ck)mme
ils signent rarement leurs oeuvres, leurs noms sont tombes dans
I'oubli. Cependant on cite Frangois van Verren comme un des
plus habiles fabricants de la fm du xviP siecle.
Le logement des soldats grevait les habitants d'une charge tres
lourde et augmentait chaque jour le nombre des deserteurs. En 16G9,